Par André Legendre, ancien élève.

Une école, FRETAY


Préface

Ce recueil a un seul but conserver dans le cœur des habitants de Villejust le souvenir de l’école de Fretay qui a vu de nombreuses générations d’instituteurs et d’élèves se succéder.
M. Legendre, élève de cette école, puis maire de la commune, a consacré une partie de son temps a cet ouvrage. Certains retrouveront avec émotion leur jeunesse.

L’avenir ne doit pas nous faire ignorer le passé et M. Legendre historien pour l’occasion nous y aidera.

Monsieur le maire, Madame, Messieurs les conseillers, Mesdames, Messieurs,

Je vous avais conté dans le numéro trois de « Ma Municipa-lité» édition de 1975, cent ans de problèmes scolaires à Villejust. Je ne vous parlerai aujourd’hui que de l’école de Fretay qui vit le jour voici bientôt un siècle.

Elle a eu une vive activité. Activité qui, nous le croyions, pouvait se poursuivre encore très longtemps, pour ne pas dire toujours Servir de lieu d’études et de rencontre à toute la jeunesse de Fretay, La Poitevine et la Folie-Bessin pour laquelle elle avait été pensée et construite.

Elle a vu au cours de ce siècle se succéder bien des générations d’enfants, garçons et filles dont beaucoup ont disparu. Les plus anciens, que nous rencontrons encore, sont M. Berthier Eugène à Fretay et Mme Thory Célina à La Poitevine.

L’école a vu aussi les maîtres se remplacer les uns après les autres au cours de mutations successives, soit pour des raisons de promotions ou plus simplement de convenances.

Cette école de Fretay, encore très solide, en tant qu’édifice, a toujours été entretenue. Remplacement du parquet des classes par un sol en béton revêtu de Dalami, réfection totale du logement de l’institutrice par adjonction d’une salle de bains et la rénovation des planchers. Travaux nécessaires pour compenser un affaissement dû au tassement des terres de remblaiement sur lesquelles l’école, ainsi que nous le verrons plus tard, avait été construite. Pour les élèves, construction de sanitaires modernes, il y a de cela seulement quelques mois.

Cette histoire va donc bientôt clore le dernier chapitre de sa trop brève existence. Ce qui nous laisse, nous, qui l’avons toujours vu remplir son rôle à la grande satisfaction de tous les habitants, un peu désemparés, déçus et inquiets sur l’opportunité de cette fermeture. A une époque, ou souvent, les campagnes se meurent, cette suppression enlève à Fretay une grande part de son animation et sacrifie, pour des raisons qui nous échappent, l’essor de nos villages de Fretay et la Poitevine.

L’avenir nous éclairera peut-être sur les questions que nous nous posons.

Vous pouvez voir la rétrospective de la vie de cette école de Fretay par l’exposition mise en valeur par Mme Joubin, sa dernière directrice. Qu’elle soit remerciée pour les efforts qu’elle a déployés à cet effet.
Je me bornerai, aujourd’hui, à vous narrer ce que furent, la naissance, la vie, et la mise en sommeil ou la mort de notre école de Fretay.

Mais, où en était donc l’instruction avant-elle? Nous savons, d’après les archives, qu’à Villejust il existait une mairie école, que le 17 mai 1866, le conseil municipal décidait d’agrandir cette salle de classe en supprimant une cloison ce qui l’allongeait de 1,70 m.

Beaucoup d’entre nous ont connu cette mairie école qui existe toujours et est habitée par Mme Martin Marguerite, une ancienne élève de Fretay et M. Istin Marcel.

Nous savons aussi que l’école n’était pas obligatoire ni gratuite jusqu’en 1868. Il fallait donner au maître d’école de 1,50 F à 2 F. Et c’était bien un maître d’école, cet homme qui apprenait, ou tentait d’apprendre, aux enfants qui lui étaient confiés, les rudiments de lecture et de calcul les plus modestes.

Nous lisons par exemple, dans l’histoire de Palaiseau de M. Dauphin, qu’en 1794, « un nommé Laisné Antoine, 16 ans, né a Villejust, fils d’un instituteur de Palaiseau, ayant été désigné pour recevoir a l’institut National (l’école militaire de l’époque), les connaissances et mœurs d’un soldat républicain, était a son arrivée a l’institut, pratiquement illettré ». Ce qui nous laisse rêveur sur la valeur des enseignements des maîtres d’école de ces temps-là.

Cependant, le 16 mai 1867, M. Fosse Eugène étant maire et M. Paupe Henri adjoint, le conseil municipal s’inquiétait de l’exiguïté de l’école et de la mairie pour une population de 506 habitants. Ils projetèrent de construire une nouvelle mairie école à la Poitevine, centre de la commune puisque le bourg de Villejust comptait à peine le quart de la population totale.

Néanmoins, devant le coût de cette opération, le 1er août de la même année le conseil abandonnait ce projet qui fut repris le 13 mars 1869. Le 31 octobre, la construction fut enfin décidée. Mais vint la guerre de 1870. Il fallut attendre le 9 février 1878, M. Leroy Germain maire et M. Boête Victor adjoint, le nouveau conseil émit le vœu d’une école sans mairie à la Poitevine. Villejust comptait à ce jour 167 habitants, Fretay 207, La Poitevine 83 et La Folie-Bessin 34. Cette solution répartissait mieux le parcours des enfants et inciterait peut-être les parents à une scolarisation régulière.

Mais, le 28 septembre 1878, sous la pression de l’Académie, le conseil décida la construction d’une école mixte à une classe à Fretay. Il acheta le terrain nécessaire, une ancienne mare comblée, pour la somme de 3 000 F et vota un emprunt de 8 800 F.

A cette époque les choses n’allaient pas plus vite que maintenant, il fallut attendre le 13 février 1881 pour que l’adjudication des travaux de construction de l’Ecole de Fretay se fasse.

C’est M. Pasquet, entrepreneur à Nozay, qui fit le rabais le plus important ;18 % sur un devis de 27 934,52 F. Il fut chargé des travaux.

Voici donc l’espoir d’une naissance qui se concrétisait. La classe de Villejust pourrait respirer et l’école étant devenue gratuite, le conseil municipal en ayant décidé ainsi le 9 mai 1880, on pouvait espérer que la fréquentation et l’instruction des enfants iraient en s’améliorant. D’autant plus, qu’à l’instigation du ministre Jules Ferry, elle devenait laïque et obligatoire.

Les travaux se poursuivirent au rythme de l’époque et ce n’est que deux ans plus tard que l’école de Fretay ouvrait toutes grandes ses portes à une jeunesse lasse d’aller s’entasser dans une classe sombre, étriquée et éloignée.

C’est ce bâtiment qui existe de nos jours. Construit en pierre meulière de chez nous, flanqué de ses deux préaux, chacun entouré de ses cours de récréation et fermé par une grille telle qu’on savait en faire en ces temps là. Le clocheton de son horloge, surmontant l’édifice, rythmait la vie des environs par ses sonneries, donnant l’impression d’être le cœur de notre village les heures en étant les battements.

Elle a reçu bien des aménagements, au cours de ces longues années. En 1910, les cours, qui jusque là étaient en terre plus ou moins engazonnée, furent empierrées. Combien de genoux en ont constaté leur rudesse

Les municipalités successives avaient le souci constant d’améliorer les conditions de vie des maîtres et des enfants, (gros travaux d’entretien, toitures, fenêtres, agrandissement des préaux, chauffage central, etc.).

C’est à M. Bertrant qu’échut l’honneur d’inaugurer cette nouvelle école, il y resta dix ans et en 1892 M. Patey lui succédait pour douze ans. M. Brouard le remplaça en 1904 mais nous quitta en 1911 pour prendre le poste de secrétaire de mairie, instituteur à Villemoisson-sur-Orge. Villemoisson à cette époque était une petite commune qui n’avait qu’une classe seulement, elle a beaucoup changé depuis.

C’est alors M. Leclerc qui prit en main les destinées de la classe de Fretay. Ce fut mon premier maître. Nous sommes encore quelques-uns à nous souvenir de lui, de son épouse qui venait apprendre la couture aux filles, de sa fillette un peu plus âgée que nous, les petits.

Deux ans plus tard M. Chanson prenait la place, c’était son deuxième poste, tout jeune encore. Il vint avec sa mère. Il avait foi en ce métier qu’il avait choisi en fils d’instituteur, et qu’il exerçait comme un sacerdoce. Nous le revoyons avec sa barbe soigneusement taillée, sa discipline, ses brusques colères, sa bonté. Puis vint la guerre celle qui devait être la dernière. M. Chanson partit aux armées. Sa sœur, Mme Vialar, vint le remplacer pour peu de temps car, en 1915 M. Chanson fut réformé pour insuffisance cardiaque. Il reprit sa place derrière son pupitre, devant ses tableaux noirs. Se dépensant, aidé de sa maman qui faisait lire les tout-petits. Nous étions souvent plus de cinquante dans cette grande classe unique à six cours où les grands, à tour de rôle, se chargeaient des cours élémentaires.

Chacun contribuait à la bonne tenue de la classe et assurait le ménage soir et matin. La veille de la distribution des prix, après une toilette complète de la classe, murs, vitres, sol, tables, une grenadine et quelques gâteaux nous récompensaient. Le dernier jour, monsieur le maire distribuait les prix, Il n’y avait pas de fête à cette époque, tout se passait en famille ou plutôt, sans famille.

En 1919, M. Chanson épousait Mlle Desprez Jeanne. En 1920, il quittait Fretay pour prendre le poste de secrétaire de mairie instituteur à Villejust. Il y resta jusqu’en 1946 mais continua le secrétariat aidé de son épouse que toute le monde connaît. Mme Chanson est presque la doyenne de notre commune. Tout ceux qui ont fréquenté à des titres divers la mairie jusqu’à ces dernières années, ont pu apprécier son dévouement.

M. Chanson ayant quitté Fretay, lui succédèrent Mlle Paquet, puis Mme Jenger en 1921, Mme Aubin en 1922, Mme Gauthier de 1925 à 1929 remplacée par Mme Barbier. En 1934, Mlle Le Goff prit en main la destinée de l’école de Fretay qu’elle conservera jusqu’en 1948. Elle passa toute la guerre à son poste.

Le 3 août 1947, à la demande de l’académie, et par décision du conseil municipal, présidé par M. Marinier, l’école fut cloisonnée en deux classes, M. Petitgrand vint aider Mlle Le Goff.

Depuis ce jour l’école de Fretay est une école à deux classes mixtes. En 1948, M. et Mme Toussaint y dispensèrent leur enseignement jusqu’en 1958. Ils furent remplacés par M. et Mme Magnac. En 1963, ils quittèrent Fretay pour se rendre à Longjumeau.

Ce fut à cette époque que nous connûmes les grands succès aux épreuves du certificat d’études. Les premières places du canton étaient souvent attribuées aux élèves de Fretay, Villejust et Nozay. Ce fut aussi celle des grandes distributions des prix, tant attendues des enfants et des parents. C’était un gros travail, mais chacun « en toute amitié » rivalisait d’idées, de costumes, de danses. Les noms de Toussaint, Magnac, Goby, Pointerau nous sont tellement familiers qu’on ne peut à cette occasion les évoquer l’un sans l’autre. Ces fêtes eurent successivement pour cadre une grange, la tente du bal, les préaux et en dernier lieu la salle de La Poitevine.

Il faut dire qu’à cette époque la scolarité s’étalait de 6 à 15 ans, ce qui donnait aux maîtres de grandes possibilités pour organiser ces fêtes. Depuis que les enfants quittent l’école primaire vers 10 ou il ans pour rejoindre les C.E.S. ou C.E.T. la réalisation est plus difficile et le mérite de les réussir n’en est que plus grand.

Après le départ de M. et Mme Magnac, la confusion s installe parmi les enseignants et de 1963 à 1967 Mmes Leroy, Denoêl, Mattei, Gadroy, et Sabardeil se succèdent.

En 1967, enfin, M. et Mme Lafont apportèrent avec leur savoir la continuité nécessaire à la réussite de leur enseignement. Ils nous quittèrent pour une école de la Creuse en 1974.

C’est alors que Mme Joubin est nommée directrice. Elle sera la dernière de l’école de Fretay. Pendant ces cinq années où il nous fut donné d’apprécier ses grandes qualités d’éducatrice, sa courtoisie, son aménité, elle fut aidée par Mmes Drouzi, Courbon, Del Aguila.

Qu’ils soient remerciés tous et toutes pour leurs efforts déployés à l’instruction des enfants qui ont fréquenté l’école de Fretay.

Maintenant, cette école de Fretay qui fit la joie de tant d’entre nous, qui servit de lieu de travail à tant de maîtres, à qui nous devons beaucoup, qui a toujours été améliorée et choyée par les municipalités successives, voit ses derniers jours. Si pour elle l’heure de la retraite a sonné, tous ses anciens élèves la regretteront, et c’est avec tristesse que nous passerons devant ses portes fermées.

MERCI A SES LOYAUX SERVITEURS

ADIEU MA VIEILLE ET CHERE ECOLE