Le Département de l'ESSONNE

UN PEU D’HISTOIRE...


L'Essonne un des départements les plus jeunes de France économiquement et socialement parlant bien sûr, mais son histoire, elle, remonte à des temps reculés.

Pour preuve, ses menhirs et dolmens. Aujourd’hui, il n’en subsiste qu’une quinzaine, l’urbanisation galopante de cette fin de XXe siècle en ayant fait disparaître la plupart. Leur existence est de toute façon attestée par des toponymes, tels que “Le Long Grès”, “La Pierre au Lard”, etc.

A l’époque de la pierre polie, ces terres sont occupées par les Ligures, à la civilisation essentiellement rurale. A ce peuple, succèdent les Celtes Pansu, qui s’établissent dans la région du Hurepoix vers 500 av J.C.. Civilisation rurale plus évoluée que celle des Ligures, elle maîtrise déjà les charrues pour la culture. Elle possède des camps (oppida) où se réfugier en cas de danger.

Ce danger se produit en 57 av. J.C.. Jules César envahit la Gaule. Une occupation romaine qui fut d’ailleurs bénéfique pour la région avec la pax rom ana, routes, fermes et ponts se multiplièrent. La vie s’organise autour des villages et grands domaines fonciers. Des fouilles entreprises en 1885 à Souzy-la-Briche ont permis de découvrir les vestiges (dont une mosaïque) de l’une de ces importantes vïllae.

Cette civilisation florissante prend fin avec l’invasion barbare de la fin du IIIème siècle. Les campagnes sont pillées et ruinées. La population se réfugie dans les rares villes fortifiées et tend une oreille attentive à la prédication des évangélisateurs disciple de saint Denis, saint Yon prêche à Châtres (Arpajon) et y subit le martyre saint Spire, évêque de Bayeux, dont les reliques furent transportées à Corbeil en 943 sans oublier saint Sulpice en souvenir de qui fut fondé le pèlerinage de Saint-Sulpice-deFavières

Avec la conversion de Clovis, en 496, la christianisation prend un nouvel essor. A l’exemple de Paris, de grandes abbayes sont fondées Dourdan, Etampes, Epinay-sous-Sénart en 637.

Le mouvement s’amplifie durant l’époque carolingienne. Selon les chroniques, Dagobert aurait été sacré au Château-Forêt, près de Milly. Le roi octroie le fief à Fulbert. Son fils, né à Milly en 635, seigneur de Milly jusqu’en 687, devient ensuite évêque de Sens et est canonisé sous le nom de Wulfran (+720).

Mais voici qu’un nouveau danger menace la contrée les Normands remontent les fleuves et s’installent à la fin du IXe siècle à Rouen. Ils pillent, incendient tout sur leur passage. L'insécurité oblige les populations à se mettre sous la protection de grands chefs plus expérimentés qui, en échange de leur aide, s’approprient leurs terres et leur imposent des services la féodalité est née...

Etampes, Corbeil, Dourdan, Arpajon et Montlhéry deviennent au X’ siècle les comtés de notre département. Plusieurs châteaux forts et donjons sont édifiés. Chacun suivant une position stratégique, sur l’axe royal Paris-Orléans. Ainsi le château de Montlhéry posera un problème au roi le comte Guy sut rapidement profiter de sa situation pour rançonner les voyageurs qui empruntaient la future route nationale 20. Philippe I dut alors marier son fils naturel, Philippe de Melun, à la fille de Guy, pour que cessât cette manœuvre frauduleuse. Mais Guy reprit très vite son activité, obligeant le roi Louis VI à faire intervenir son armée pour le réduire à l’impuissance.
 Tandis que les Capétiens luttent pour asseoir leur autorité, des moines se regroupent pour bâtir des établissements monastiques. Parmi les plus célèbres l’abbaye bénédictine de la Trinité à Morigny, fondée en 1095. En 1138, Maurice de Sully, évêque de Paris, crée une abbaye de femmes. Il ne reste malheureusement rien de ces constructions.

Les églises, elles, ont mieux résisté. On peut encore admirer malgré de nombreuses restaurations, d’importants chef-d'œuvres de l’art roman et gothique. Sans vouloir énumérer tous ces édifices, il faut tout de même attribuer une mention spéciale à la basilique Notre-Dame-de-Bonne-Garde de Longpont, édifiée à partir de 1031, et, à “la plus belle église du village de France”, disait-on déjà au XVIIIe siècle, Saint-Sulpice-de-Favières, aux surprenantes dimensions de cathédrale.

Les règnes de Louis VII et Philippe-Auguste connaîtront de nouveaux affrontements. Ainsi ce dernier, déterminé à posséder de solides fortifications, rempare Corbeil et Etampes. Au lendemain de son mariage, il ira même jusqu’à enfermer sa femme Ingeburge dans la tour Guinette d’Etampes.

Sous Louis IX, c’est le grand retour de l’accalmie. Une période de prospérité économique que ce XIIIc siècle, qui sera dans l’Essonne le siècle des moulins à eau. Essentiellement à Corbeil. Grâce à sa situation, la ville recueille le blé récolté en Beauce.

Soixante-quinze ans de paix balayés par la Guerre de Cent Ans. Province dont le chef-lieu est la capitale du royaume, l’Ile-de-France paie cher sa position géopolitique.

Les partisans d’Etienne Marcel (prévôt des marchands de Paris) fomentent de nombreux troubles dans la région parisienne. En 1358, Charles Il de Navarre (Charles le Mauvais), allié des Anglais, chassé par les Parisiens, brûle Châtres en fuyant sur Melun. Deux ans plus tard, le roi d’Angleterre tient le siège devant la ville et dévaste la région entre la Seine et Etampes. Son armée s’empare également de Montlhéry, point stratégique énormément convoité.

Autre enjeu des combats les églises. Converties selon les ordres de Charles V en places fortes, elles accueillent les garnisons françaises. L'arrivée de l’ennemi est annoncée par des guetteurs postés sur les clochers. La tactique des Anglais consiste donc à détruire de préférence ces églises. C’est une époque dramatique pour les populations, d’autant plus que l’épidémie de peste noire de 1348 aggrave les pertes humaines et agricoles. A la guerre étrangère s’ajoute la guerre civile entre Bourguignons et Armagnacs. Les Bourguignons investissent Dourdan, Etampes, Paris puis Corbeil, qui avait pourtant bien résisté.

La dévastation de notre département durant ces années d’occupation est terrible. Les cultures sont détruites, les villages pillés l’insécurité des campagnes est totale. Les villageois en sont réduits à abandonner leurs biens et à se réfugier dans les villes à l’abri des murailles. Il faut attendre 1441 pour que s’achève la reconquête par le roi Charles VII Etampes est délivrée en 1435, Corbeil en 1436 et Montlhéry en 1439.

Après les désastres de la Guerre de Cent Ans, Montlhéry subit en 1465 un nouveau conflit Louis XI, en lutte contre les vassaux rebelles rassemblés dans la Ligue du Bien Public, dirigée par Charles le Téméraire, duc de Bourgogne. 

La bataille eut lieu le 16 juillet entre Montlhéry et Longpont. Ce fut un affrontement sévère ; plus de trois mille combattants périrent. On les inhuma sur place, sur cette partie du terroir de Montlhéry, appelé depuis “Champtier du Champ de Bataille”. Une fois encore les paysans déplorent la destruction de leurs récoltes.

Les caisses royales étant vides, Louis XII est contraint de vendre ses comtés de Corbeil et Dourdan. Quant à celui d’Etampes, il demeure dans le domaine royal. François 1er l’offre à sa favorite Anne de Pisseleu, qui dès 1538 s’y fait construire un hôtel particulier. A la mort du roi, Anne est bannie de la cour et doit restituer les domaines qui lui avaient été offerts. Le comté, dont le sort semble être lié à celui des favorites, passe entre les mains de Diane de Poitiers.

Alors que la misère sévit dans les campagnes, les guerres de religions débutent, dévastant à nouveau villes et villages. En 1562, l’armée huguenote conduite par le Prince de Condé envahit Etampes. Peu scrupuleux envers les édifices religieux, les soldats font camper leurs chevaux dans les églises. Les statues du portail Notre-Dame sont brisées.

Michel de l’Hospital tente de ramener la paix “Otons ces mots diaboliques, noms de partis, factions et séditions, Huguenots, papistes. Conservons le nom de chrétien.”

Malgré ses efforts, il devra capituler en 1568 et se retirer dans son château du Vignay, paroisse de Champmotteux. Il y meurt en 1573, en rappelant que “la tolérance est la première vertu qui doit être pratiquée entre tous les hommes.”

La signature d’une trêve le 23 mars 1568 à Longjumeau n’y fait rien. La guerre civile s’intensifie en 1590 et 1591, quand les Ligueurs, à la suite de l’assassinat de Henri III, refusent de reconnaître Henri de Navarre comme successeur. La ville de Paris, aux mains de la Ligue, ferme ses portes au Huguenot. Celui-ci tente alors de s’emparer de la ville qui assure le ravitaillement en pain de la capitale Corbeil est assiégée par les troupes du capitaine Rigault. Paris fait appel aux soldats de Philippe Il d’Espagne qui reprend la ville après vingt-trois jours de siège.

Mais la lutte autour de la capitale se poursuit. L'armée huguenote, commandée par le maréchal de Biron, conquiert la place forte de Dourdan. Il ne doit sa victoire qu’à l’utilisation d’un souterrain, dont l’existence lui est signalée par un maçon ayant participé à la restauration du château.

A ces luttes et ces destructions s’ajoutent la baisse de la production agricole et l’endettement des exploitants. Et dès 1625 les épidémies de peste réapparaissent.

Pire un autre fléau surgit... La Fronde !

En 1651, Condé, mécontent du gouvernement de Mazarin, fomente une guerre civile. Il décide de marcher sur Paris. Turenne, lui, installe des troupes de l’armée royale sur la route d’Orléans à Paris, à Châtres et déploie ses hommes sur les hauteurs voisines, notamment à Montlhéry. Pendant ce temps, les troupes du prince de Condé investissent Etampes par surprise le 23 avril 1652. Cette armée apprend que la Grande Mademoiselle doit les rejoindre, depuis Orléans, pour marcher sur Paris. Turenne profite alors d’une répétition de revue en l’honneur de Mlle de Montpensier pour reprendre Etampes le château, refuge des frondeurs, tombe après des bombardements qui détruisent une partie du donjon.

Les révoltés, en fuite, sont poursuivis par l’armée royale qui met à sac la campagne. Le pays bénéficie de la sollicitude de Saint Vincent de Paul, fondateur des Petites Sœurs de Pauvres il crée, avec l’aide d’Anne d’Autriche, l’œuvre des "Petites Marmites” qui distribuent soupe et vivres.

Pendant le règne de Louis XIV, l’Essonne vivra à l’heure versaillaise. Les routes de Fontainebleau, Chambord et Orléans traversent le département. La cour suit le roi et en profite pour élever ici et là de belles demeures où se retrouvent les célébrités littéraires à Bâville, Boileau, Racine et Madame de Sévigné ; Charles Perrault possède un domaine à Viry-Châtillon, etc.

En 1670, Louis XIV fait don du château de Petit-Bourg à Evry à Madame de Montespan. Après la mort de la favorite, son fils le duc d’Antin en hérite et y accueille le roi et Mme de Maintenon. En 1707, lors d’un séjour à Petit-Bourg, Louis XIV avait critiqué une allée d’arbres qui masquait la vue sur la Seine. Le duc la fit tailler durant la nuit, et le lendemain, à son signal, tous les arbres tombèrent comme par enchantement.

Le Roi aime chasser en forêt de Sénart. C’est pour cela que sont entrepris des chantiers de drainage et d’assèchement, ainsi que l’entretien des chemins. En 1699, Colbert fixe les directives des grands aménagements forestiers. Mais ces travaux coûtent cher. On décide alors d’établir un système de paysage et de location de concessions à des particuliers.

La vogue des jardins et parcs mettant en scène une nature “libre” s’affirme au XVIIe siècle. Le paysage ainsi créé est destiné à valoriser de petites constructions pittoresques appelées “fabriques”. En 1784, le banquier Jean-Joseph de Laborde réalise un tel projet à Méréville, grâce à la collaboration du peintre Hubert Robert, de l’architecte Bélanger et du sculpteur Pajou. Le cours de la Juine, dont la source est toute proche, est corrigé et une partie de ses eaux drainée en sous-sol pour alimenter plans d’eau et cascades. Laborde meurt sur l’échafaud en 1794 ; en 1819 sa veuve est contrainte de vendre le domaine dans lequel les “fabriques”, a l’abandon, menacent de disparaître. Elles sont achetées en 1891 par le propriétaire du château de Jeurre dont elles ornent aujourd’hui le parc.

En 1741, Jeanne-Antoinette Poisson épouse M.Le Normant d’Etiolles et s’installe au château de son mari. Lors d’une chasse en forêt de Sénart, elle rencontre Louis XV Quelques années plus tard, elle devient sa maîtresse. Et c’est en compagnie de Voltaire, qu’elle apprendra que sa condition a changé. Désormais elle est la Marquise de Pompadour.

Le charme et la douceur de vivre de ces demeures ne doivent pas faire oublier la crise économique et financière que subit le royaume sous Louis XVI. La surpopulation et la paupérisation réapparaissent vers 1775. Pour exemple les indigents représentent environ 18 % de la population de Corbeil.

Louis XVI, contraint par les événements, convoque les Etats Généraux pour rédiger les Cahiers de Doléances. Les gens des campagnes souhaitent des réformes matérielles ceux d’Auvernaux réclament qu’on garantisse leurs terres des dégâts provoqués par le gibier, qu’on reconstruise leur route devenue impraticable, qu’on supprime les droits sur les boissons “car c’est un abus de ne pas donner à un aubergiste, à un cabaretier, sa boisson franche comme à tous autres particuliers”, qu’on supprime l’impôt sur le sel ; et ils terminent ainsi ils sont prêts “à se saigner pour le roi qu’ils adorent”.

Les populations des campagnes restent dans l’ensemble fondamentalement attachées à la monarchie. Au début de l’année 1790, intervient une réforme administrative aux conséquences importantes pour notre région le découpage de la France en départements et la naissance de la Seine-et-Oise avec Versailles pour chef-lieu.

Avec le XIXe siècle, l’aspect économique du département ne se modifie guère. Comme l’écrit Georges Poisson “L'Ile-de-France de Louis Philippe ressemble comme une sœur à celle de Louis XVI transports rares et lents, grandes propriétés aux moyens de culture rudimentaires, nombreux châteaux, vie provinciale dévote et traditionnelle, même dans les villes les plus rapprochées de la capitale”.

Tout change à partir de 1840. Le 17 septembre la ligne de Corbeil à Paris est inaugurée. Trois ans plus tard, c’est au tour de la ligne Paris Orléans. Désormais, les industries se multiplient le long de la Seine et transforment le mode de vie comme l’environnement.

Enfin, la loi du 10 juillet 1964, portant réorganisation de la région parisienne, crée le nouveau département de l’Essonne. Une réforme rendue indispensable par l’explosion démographique de l’ancienne Seine-et-Oise.

Ce texte est tiré du livre de Geneviève AVERSO, "L'ESSONNE AUTREFOIS"
paru aux éditons HORVATH en 1995